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On parle de « décolonisation de la pensée » (ou des savoirs) pour désigner les théories s’inspirant des philosophies de la déconstruction élaborées par des auteurs comme Marx, Nietzsche, Foucault, Derrida, Deleuze, Dewey, Rorty, Putnam, etc.
Ces penseurs s’intéressent à la place du savoir dominant dans la société, ce savoir objectif et désincarné sur la réalité, expression moderne du point de vue de Dieu sur la réalité, qui s’impose partout comme un absolu au détriment d’autres formes de savoir jusqu’à nier celles-ci
Le décoloniamisme distingue donc : • les promoteurs du savoir « universel » : la raison coloniale/colonisatrice • et les colonisés ou les « subalternes » qui subissent la marginalisation et la négation de leurs épistémè (ensemble des connaissances propres à un groupe social).
On se place ici au niveau de la connaissance, ces catégories n’engagent pas les concepts de races, d’ethnies, de nation etc. Ainsi, les paysans du bocage normand (étudiées par ex. par Favret Saada ⬇️) sont des colonisés face à la raison coloniale.
Le décolonialisme n’est pas la critique d’une culture ou d’une civilisation, c’est une critique de la raison pure, d’une vision comptable, désincarnée et absolutiste de la réalité.
Souvent manipulé dans les intérêts des extrémistes de gauche comme de droite, le décolonialisme se présente en fait sous la forme d’une invitation à l’émancipation, à la dissidence, à la recherche de modèles alternatifs de production de la connaissance.
Il s’agit autant de se reconnecter à soi, à ses propres lieux d’énonciation, à ses propres « mythes », de s’affranchir d’une épistémè qui empêche de penser par soi-même et à partir de soi-même, condition nécessaire pour ensuite servir l’intérêt général,
que d’enrichir notre pensée, notre vision du monde, et nos propres moyens de produire de la connaissance sur le monde, avec d’autres épistemè jusqu’alors reléguées au silence, voire à l’oubli (des amérindiens aux paysans normands).
Car en définitive, nous sommes tous des subalternes gouvernés par des appareils de pouvoir que nous avons historiquement créés ou laissés se créés (États autoritaires, entreprises managériales, autorités savantes naturalistes et positivistes...)
Ce sont ces appareils de pouvoir qui colonialisent les autres à travers nous, en exploitant nos contradictions, nos faiblesses, notre passivité, dans une fuite en avant collective tournée vers la conquête, la performance et la productivité souvent au prix de violences et de morts
La profondeur historique de ces phénomènes sociaux pousse à comprendre qu’il n’y a pas de complot derrière cela, seulement des hommes faibles qui, grisés par le pouvoir & l’argent jusqu’à s’imaginer supérieur à autrui, perpétuent un système social de domination qui leur bénéficie
L’effort de décentrement nécessaire pour saisir nos propres logiques social est aidé par le travail des anthropologues qui ont étudié des populations disposant d’épistémè radicalement différentes. Leurs travaux permettent une mise en perspective + globale de la pensée dominante.
L’enjeu anthropologique, outre la description et la compréhension de ces sociétés marginalisées, est aussi de remobiliser leur épistémé, dans le but de mettre en question voir de faire évoluer les logiques épistémologiques qui dominent notre société. https://europhilomem.hypotheses.org/3409
C’est par exemple le travail de l’anthropologue Eduardo Viveiros de Castro, spécialiste des sociétés indigènes d’Amazonie, auteur de « métaphysique cannibales », et qui se définit comme un « pirate de la pensée » https://laviedesidees.fr/L-Anti-Narcisse-de-Viveiros-de.html
Viveiros de Castro ouvre la voie à une pratique théorique novatrice, et propose un outil de pensée original, de nature à faire réagir l’institution philosophique. Loin des appels un peu vagues à « penser autrement », et qui cachent souvent la fascination pour un modèle étranger,
Viveiros de Castro fournit une caractérisation métaphysique de cet autre pour que nous puissions vraiment prétendre à penser autrement, à penser avec les autres et non contre eux. https://lavoiedujaguar.net/Entretien-avec-Eduardo-Viveiros-de
Il nous donne la possibilité de philosopher avec ceux qui ont élaboré des dispositifs de compréhension du monde et de soi qui ne sont étrangers aux nôtres que pour autant qu’ils les transforment.
Le travail du chamane, les relations d’alliance et les expéditions guerrières – c’est-à-dire la religion, la parenté et la politique – sont ici redéfinis comme autant de manières de mettre en mouvement des schèmes plus généraux d’appréhension de soi et du monde.
Car ces sociétés, avant de se loger dans l’espace problématique qu’est le point de vue de l’ethnologue, se construisent elles-mêmes dans l’échange de points de vue internes à leur mouvement propre, dont la logique et la construction obéissent à des principes étrangers aux nôtres.
Cette manière de poser le problème doit beaucoup à une anecdote rapportée par Lévi-Strauss : alors que les colons européens cherchaient à savoir si les indigènes avaient une âme, les indigènes se demandaient si le corps des Européens pouvait être sujet à putréfaction.
Dit autrement, ils les soupçonnaient d’être des dieux quand nous les suspections d’être des bêtes : « l’autre de l’Autre n’était pas exactement le même que l’autre du Même ».
Cette relation en chiasme entre deux épistémologies, deux manières de construire du savoir, est la preuve que tout collectif humain dispose de pratiques intellectuelles propres pour s’objectiver, et donc qu’il est possible de leur demander en retour ce que nous sommes.
Viveiros de Castro nomme « perspectivisme » la forme toute particulière que prend la politique des esprits en Amazonie : Toute entité, humaine ou non humaine, est réputée être dotée d’une intériorité analogue à celle de l’homme, elle est aussi dotée d’un point de vue sur autrui.
Et la particularité de ce point de vue est donnée par le corps, par sa sensibilité propre, par les dispositions perceptives et affectives qui sont autant nos outils de projections dans le monde que la fenêtre par laquelle le monde s’introjecte en nous et transforme notre regard.
Dans cette métaphysique perspectiviste, l’altérité humaine et non humaine est élevée au rang de personne, de telle sorte qu’elle participe à nous subjectiver, à nous fabriquer en tant que personne par le regard. C’est pourquoi le champ social s’étend au delà de l’humain.
Le chamanisme est au cœur de cette logique sociale. Il constitue une manière de négocier les tensions qui habitent les regards croisés des êtres du monde, car si le regard de certains êtres ns personnalise en tant qu’humain, d’autres ns réduisent à la position inhumaine de proie.
C’est pourquoi les sociétés d’amazonie disposent d’institutions et d’outils « philosophiques » qui préviennent ce que l’on nomme en occident des dérives sociales et écologiques : la domination de l’Homme sur l’Homme et la Nature.
C’est à partir de tels travaux anthropologiques que des juristes font évoluer le droit en militant pour la reconnaissance des droits de la nature, qui permet à des fleuves, des montagnes, des glaciers de plaider eux-mêmes leur cause par l’intermédiaire de leurs représentants
En Bolivie, la loi de la Pacha Mama a la particularité d’être la première du genre dans le monde à accorder à la nature des droits à l'instar de l’homme. https://www.actualitesdudroit.fr/browse/public/environnement/3613/en-bolivie-la-nature-un-sujet-de-droit
La Constitution équatorienne du 25 juillet 2008 déclare elle aussi expressément la nature, Pacha Mama, sujet de droit, mais il s’agit d’une simple déclaration qui concerne les animaux, à la différence du droit bolivien qui prévoit un régime juridique pour la nature :
On peut néanmoins s'interroger sur l'effectivité de cette loi, quand le PIB du pays dépend à hauteur de 500 millions $ de l’industrie minière, et d’autant plus depuis le coup d’Etat de l’extrême droite libérale. Mais en tout cas, un modèle législatif existe.
Le 14 mars 2017, sous l’impulsion du peuple Maori, le parlement néo-zélandais a adopté un texte reconnaissant la personnalité juridique au fleuve Whanganui http://www.fondation-droit-animal.org/93-nouvelle-zelande-fleuve-devient-sujet-de-droit/
Dès lors, qu’est-ce qui nous empêcherait, aujourd’hui, nous, français, de considérer la nature comme sujet de droit plutôt que de la cantonner dans la catégorie des objets protégés ?
Ici se mesure l’écart entre ceux qui ont une conscience aigüe de la nature et des dangers industriels qui s’exercent sur elle et les transhumanistes plaçant l’individu génétiquement modifié et son immortalité au cœur de leurs préoccupations, pour toujours + de compétitivité.
« Les amérindiens, après l’arrivée des Européens qui ont exterminé 95% de la population, sont devenus des hommes sans monde. Mais ils ont survécu. Ils sont toujours là. Ce sont des populations qui ont appris à vivre dans un monde qui n’est pas le leur. https://lavoiedujaguar.net/Entretien-avec-Eduardo-Viveiros-de
Les Indiens savent se débrouiller dans des conditions appauvries, ce sont des bricoleurs par vocation et par nécessité. Les États nationaux ont envahi leurs territoires traditionnels, et ils bricolent pour détourner ou domestiquer les pressions idéologiques et industrielles.
Ce sont des peuples vaincus, soumis, mais ils sont irréductibles, comme Astérix et son petit village gaulois. J’emploie le mot « Indien » au sens large, en y incluant les indigènes f’Amazonie, les Maoris de Nouvelle-Zélande,
les Aborigènes, les Inuits, les Samis de Norvège... tous ces peuples qui ne s’identifient pas à des États nationaux, qu’on appelle « minorités indigènes » et qui vivent dans les marges de notre magnifique civilisation chrétienne pétrolière.
L’ONU estime qu’ils seraient 370 millions, soit plus que la population nord-américaine. Ce ne sont donc pas des «minorités» au sens démographique, même s’ils sont éparpillés à travers le monde. Ils ne forment pas un modèle, mais peut-être un exemple pour dépasser le capitalisme.
La gauche doit se repenser profondément si l’on veut mettre en œuvre de vraies politiques sociales et écologiques. Elle est aujourd’hui très divisée entre une gauche progressiste et productiviste, qui reste partenaire du capitalisme,
et une autre gauche qui ne croit ni au Plan ni au Marché. Pour ma part, je penche du côté de cette dernière, et du Peau-Rouge. Plutôt que d’aspirer à un monde techno-magique fait de Google Glass et de machines qui feront tout pour nous, je préfère rêver de vivre comme un Indien »

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Dr. Gonzo

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